Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Avril 2009
Hyperion. Il a toujours été mon ennemi, autant que je m’en
souvienne. Ses origines sont floues, mêlées à des mondes parallèles, des
types bizarres voyageant d’univers en univers. Avec le temps, les
souvenirs s’évaporent et même mes pouvoirs ne peuvent rien contre ça.
Malgré ma force, ma vitesse et tout le reste, je ne suis qu’un vieil
homme fatigué à qui on refuse le droit de mourir et qu’on force à
continuer, encore et encore.
Tout ce que je voudrais, c’est arrêter tout ça et éviter de revoir les
visages de Donna, Barry et tous les autres quand je dors, mais c’est ma
malédiction. Je perds les origines de ce qui est arrivé mais je me
souviens de la douleur de la perte d’êtres chers. La Vie est mal faite
mais c’est sûrement sa revanche sur ce que l’Humanité lui a fait ; on
l’a condamnée, après tout.
Malheureusement, je sais que je ne pourrais pas me laisser aller à de
grandes réflexions philosophiques avec l’être qui vient de me frapper le
menton et de me propulser au sol. Il a toujours été un dingue et un
imbécile mais c’en est très fort : sa puissance a toujours été
supérieure à la mienne mais nous ne l’avons pas découverts avant
longtemps. On a souvent croisé le fer ensemble et ça a fait mal mais je
suis toujours parvenu à prendre le dessus ; jusqu’à aujourd’hui
apparemment.
Ses coups pleuvent sur mon visage et je ne suis pas assez rapide pour
les éviter. Je sens ma mâchoire se disloquer et ça fait mal, vraiment.
Je n’ai plus ressenti une telle douleur depuis l’affrontement avec Clark
et ça ne me plaît pas. Je pensais le problème Hyperion réglé mais il
est clair que j’ai été présomptueux de le croire prisonnier à jamais de
ce que je lui avais construit. Il doit vouloir me réduire en charpie
pour ce que je lui ai fait – et il risque bien d’y arriver. Au vu des
premiers échanges, il est clair que je ne peux pas grand-chose contre
lui.
Alors que je lève mes bras pour stopper ses poings, je me rends compte
que nous sommes sous terre. La force de l’impact a creusé un énorme trou
dans le sol et depuis, Hyperion s’acharne sur moi, autant pour faire
mal que pour m’enfer là-dedans. Je connais ça : c’est une vieille
tactique, un truc vu et revu mais qui fonctionne toujours. Il veut me
laisser là-dedans pour m’attendre à la sortie et je dois empêcher ça. A
ce que je vois, il a dix secondes d’avance sur moi en temps de réaction
et c’est monstrueusement énorme. Ou il est bien plus fort que je ne le
craignais, ou j’ai bien baissé mais je dois me bouger si je veux
survivre à cet affrontement – et maintenant.
Je tente de le frapper au visage pour gagner quelques secondes mais il
attrape ma main avant que je ne le touche. Un regard noir me fait
frissonner quand je croise ses yeux et je le vois tenter de m’arracher
mon index, sûrement juste pour le plaisir de montrer sa puissance. Je
vais avoir mal.
Si je le laisse faire, il va m’avoir et je n’ai aucune envie de devoir
me greffer un de ces machins bioniques sales et mal foutus pour
compenser la perte de mon doigt. J’essaye de le frapper dans les parties
sensibles en relevant mon genou, mais il est bien trop rapide et
s’élève dans les airs, me tirant par le doigt. Celui-ci craque et je
dois serrer les dents – qui ont déjà morflées aussi – pour éviter de
crier : je ne veux pas lui faire ce plaisir.
« Alors, vieux machin, ça fait mal ? »
Lentement, il s’envole et sait qu’il va m’arracher le doigt en
continuant. C’est vrai que je suis vieux face à lui : même si un peu de
gris apparaît sur ses tempes, il semble terriblement jeune et fort. Il
est encore vêtu de la combinaison bleue que je lui avais mise pour
éviter qu’ils ne se dépensent de trop : c’est une invention de Tony,
elle est censée absorber les pouvoirs de son propriétaire pour éviter
qu’il ne soit surpuissant. Au départ, c’était pour Clark puis pour Tim,
mais malheureusement ça n’a pas bien fonctionné sur eux. Tony l’a
modifiée pour enfermer Hyperion et ça semblait bien fonctionné – avant.
Apparemment, ce monstre a maintenant assez de puissance pour surcharger
la combinaison. Je n’ai jamais été bon en technologie, j’ai toujours
préféré taper au lieu de comprendre mais il est clair que ça n’est pas
une bonne nouvelle. La cellule est normalement invincible mais la grosse
assurance de l’emprisonnement d’Hyperion était cette combinaison et
j’espérais que son seuil de pouvoir ne soit jamais trop fort pour la
dérégler. Je me trompais et je déteste ça.
« Pas autant que de voir ta sale tête. »
J’ai mal un peu partout et ça me rappelle des souvenirs. Voir la tête
d’Hyperion m’a troublée mais ce n’est plus son sourire arrogant que
j’aperçois quand je le regarde, maintenant. Je revois les faces de ceux
et celles qu’il a tuées, toute la population d’une région réduite à
néant à cause de ce monstre. J’entends les plaintes des proches que j’ai
dû amener de mes mains près des cadavres pour qu’ils les reconnaissent.
Je sens à nouveau les regards pleins de reproches et de douleur de ces
mêmes personnes, qui n’osent rien dire mais pensent bien que j’aurais dû
agir avant cette horreur.
Ce fut ce jour-là que je décidais qu’Hyperion devait être stoppé,
définitivement. Je ne voulais pas tuer mais si j’y étais obligé, je
devrais m’y résoudre. Ce jour-là, je devenais enfin un homme et je
faisais face à mes responsabilités, même les pires.
Oui, je me rappelle de tout ça. J’ai mal mais ce n’est rien par rapport à
ce qu’il a fait à d’autres. Et il va recommencer, je le sais, je le
sens. S’il n’est pas arrêté maintenant, des gens vont encore mourir et
je ne le supporterai pas. Il rit encore mais se stoppe dès que je
m’envole de mon côté et le frappe le plus fort que je peux au centre de
la poitrine. Le coup est si violent que la combinaison en est déchirée
et il fonce sur un des murs de la forteresse avant de tomber dans le
ravin de l’autre côté, dans un océan de poussière et de sang – son sang.
Je lévite au-dessus du sol, sentant bien que mon corps en a assez de
tout ça mais me fichant complètement de son avis. Une ordure est
libérée, je dois l’arrêter même si je suis trop vieux pour ça. Ma
mâchoire est un peu disloquée, mon doigt me brûle, mon visage est
recouvert de plaies mais ça n’est pas grave. Je vais avoir pire avant la
fin de la journée et ce petit con vivra l’enfer pour ce qu’il a fait.
« Joli retour, James. Mais je ne crois pas que ça suffira pour l’arrêter.
- Tu vas m’aider ? »
Je vois ma cigarette au sol, qui s’est échappée de mes lèvres quand
l’autre dingue s’est précipité sur moi. Lentement, je la reprends et
tire dessus pour refaire vivre la petite flamme et j’y parviens, ce qui
me tire un sourire. J’ai de la chance, peut-être que je vais finalement
m’en tirer.
« Non. »
Ou pas. Je hais ce type.
« Pourquoi ?
- Je n’ai pas à interférer dans vos affaires.
- Ce sont celles du monde.
- Le monde a disparu, James ! Voyons, ne me dis pas que tu te bats
toujours pour protéger la Justice, la Vérité et tout ça ? Ca alors ! Je
croyais que tu avais compris toute la connerie de tout ça.
- Certaines choses ont du mal à rendre leur dernier râle, Parallax. Certaines choses ne devraient jamais mourir.
- Ah ? »
Je ne le regarde pas, je m’y refuse. Ce chien m’a attiré ici et je suis
presque sûr qu’il savait qu’Hyperion venait le voir. Malgré son
discours, je sais qu’il est une des cibles du dingue, qui veut tout
détruire pour je ne sais quelle folie stupide. Il a toujours eu un souci
au cerveau, et je crois même qu’il vient d’un monde parallèle ou d’une
connerie du genre – ça n’a pas dû aider à ce qu’il soit « normal », mais
ça n’excuse pas tout.
Hyperion est un serial killer qui est bête mais très méchant. Si on
était dans un comics, il serait pathétique parce que limité mais je
sais, au fond, qu’il est plus retord et complexe que ça. Plus d’une
fois, j’ai failli comprendre ce qui le menait vraiment mais je ne suis
jamais vraiment parvenu à le savoir. Nous sommes devenus « pires ennemis
» plus par hasard que vraie raison et il m’en veut toujours de ce que
j’ai pu lui faire à nos débuts, comme je lui en veux de ce qu’il a pu me
faire.
Le hasard nous a réunis et a créé une haine qui jamais ne s’éteindra. Et
alors qu’il se relève et me fait face, que je sens qu’il va me tuer si
je le laisse me toucher la prochaine fois, je sais qu’il n’y a plus
d’échappatoire. Ça se finit aujourd’hui et l’un de nous ne se relèvera
pas – et je crois que ça sera moi.
« Tu ne m’échapperas paaaaaaas !!!
- Mon dieu que c’est cliché. »
Je crois que je suis fou, en fait. Alors qu’Hyperion me fonce dessus, je
ne peux m’empêcher de lui lancer cette vanne. Elle n’est même pas très
drôle et pourtant j’y prends du plaisir. Par chance plus qu’autre chose,
j’évite ce grand malade et il va s’encastrer contre le mur derrière
moi. Je ne vois plus Parallax et ça ne me dérange pas : je ne veux pas
l’avoir dans les pattes durant l’affrontement. Il serait capable de me
frapper par derrière si ça pouvait le sauver.
A nouveau, je me tourne pour voir un paysage de désolation : la
forteresse des Lanterns ne tiendra pas à ce rythme et j’avoue que ça ne
me dérange pas. Tout ça est une insulte à ce qu’avait fait Hal et les
autres et j’ai du mal à la supporter. Si en stoppant Hyperion – ou en
mourant pour essayer – je peux mettre une bonne béquille à Parallax pour
stopper sa montée vers le pouvoir et la gloire, j’en dormirais bien.
Malheureusement, ce bon vieux Hyperion ne semble pas d’accord avec ça.
Il se relève déjà et ses yeux brillent soudainement. Aurait-il un rayon
optique, maintenant ? Je ne sais pas comment ses pouvoirs ont augmentés
depuis tant d’années mais ça n’est pas impossible. Après tout, j’ai bien
une puissance inimaginable maintenant, mais qui semble bien faible face
à mon ennemi. On a changés tous les deux mais je crois quand même être
celui qui a été le plus bouleversé. Si je me voyais avant la Guerre
maintenant, je ne me reconnaîtrais pas : j’étais alors très sérieux,
très sûr de moi, très calme…tout le contraire de maintenant. Je ne
faisais même pas de blague, à l’époque ! Et encore moins d’humour noir,
évidemment.
Et oui, c’était bien différent avant – c’était mieux. Je suis peut-être
plus fort, plus drôle et plus classe maintenant mais je ne suis plus
qu’un cadavre qui marche, un corps surpuissant mais dénué d’âme. Tout ce
que je veux, tout ce que j’aspire, c’est le repos éternel qui m’est
refusé par ces pouvoirs qui ont fait ma malédiction. A choisir, je
ferais absolument tout pour que les choses se passent différemment mais
c’est malheureusement impossible. J’ai eu ma chance, comme le monde, et
on l’a foiré ; à nous d’assumer.
« Tu n’es qu’une ombre, Steelman. »
Je fronce les sourcils et je sens la colère naître en moi – et je n’ai
pas envie de l’arrêter. Depuis des années, je refuse qu’on m’appelle
ainsi : je ne le supporte pas. Mon ancienne identité était un rêve, un
symbole que j’ai perverti en agissant mal ou en n’intervenant pas à
certains moments. Je n’en suis plus digne et je ne veux pas qu’on me
renvoie ça en pleine face, et Hyperion sait ça. Il me dit ça juste pour
me faire mal, pour me faire comprendre qu’il est le meilleur qu’il peut
me faire ce qu’il veut. Il se trompe.
« Tu n’aimes pas que je t’appelle comme ça, hein ? Tu deviens tout méchant d’habitude, c’est ça ? Tu me fais pas peur, papy. »
Je ne l’écoute même plus. Je lévite au-dessus du sol, rassemblant toute
ma puissance dans mes poings et je fais fi de la douleur. Je me fiche de
ce qu’il y a autour de nous, je me fiche de Parallax qui doit traîner
dans les parages : plus rien n’a d’importance. Ce chien, ce fils de
chien ose m’appeler par ce nom que je ne veux plus entendre et il fait
ça uniquement pour me faire mal. En plus d’avoir massacré des centaines
de personnes, cette ordure ose me torturer avec ça ? En sachant tout ce
qui m’est arrivé ? En ayant participé à tout ce qui m’a fait abandonner
le costume ? Fils de pute…fils de pute !
« Je dirais même que…WOUF ! »
Il n’a pas le temps de finir que je fonce sur lui pour frapper sa cage
thoracique. Tout l’air de ses poumons est expulsé en un coup mais je ne
le laisse pas récupérer. Il est plus fort, plus rapide ? Je m’en fous.
J’ai des années d’expérience qu’il ne peut avoir. Il est peut-être plus
puissant mais vient de sortir de l’immobilisme auquel je l’avais
condamné alors que j’ai continué d’arpenter ce putain de purgatoire et
que j’ai appris quelques sales coups.
Il veut des poings, du sang, du sadisme ? Putain mais viens garçon, viens voir papa !
Les coups pleuvent sur sa face, et j’avoue que j’aime ça. Il est au sol,
tentant vainement de se relever pour me frapper mais c’est trop tard –
c’est déjà trop tard. Je l’ai fait tomber avec un léger balayage, je lui
ai cassé deux doigts en craquant sa main droite contre ma paume et mes
genoux sont très gentiment coincés sur son bas ventre, le bout pointu
évidemment en avant. Il a mal, je le sens ; j’adore ça.
Bien sûr, je sais bien qu’il va se réveiller à un moment et que le sang
que j’ai sur mes poings sera payé chèrement, mais je veux gagner. Ça
fait des années que je n’ai pas senti une telle rage en moi, une telle
colère. Je veux du sang, je veux le faire souffrir. Pendant longtemps,
j’ai eu tout ça au fond de moi : la mort de mes proches, la disparition
de mon père, son retour, la désillusion…j’ai tout emmagasiné, j’ai tout
gardé. Même quand j’ai dû abandonner l’identité de Baxton un moment, je
n’ai pas lâché la bride alors que j’aurais dû, comme avant. Il faut que
les choses sortent aux moments où elles font mal, parce que sinon…sinon,
c’est encore pire quand on ne peut plus les contrôler.
Et ça m’est arrivé – deux fois. Deux fois où je n’ai pu me contrôler et
où j’ai fait de mauvaises choses. C’est en partie pour ça que j’ai
abandonné le costume et le nom : je n’en étais plus digne. Aujourd’hui,
Hyperion m’a rappelé et me couvre de honte parce qu’une troisième fois
apparaît où je ne peux me contrôler…mais il y a une différence : je ne
veux pas me stopper. Je ne veux pas m’empêcher de le faire souffrir pour
ce qu’il m’a fait. Il est plus que temps d’en finir.
Comme prévu, Hyperion me répond en me frappant alors que je pensais
l’avoir eu, mais ça n’est pas grave. Je recule, saigne un peu du nez
mais je m’envole avant qu’il ait pu m’attraper aux jambes pour inverser
les rôles. Il tente et tombe sur le sol, pathétiquement ; je ris, même
si je sais que ça va l’énerver, mais c’est trop tentant. Ce type est un
monstre, une ordure et j’en ai assez de prendre des gants. J’ai déjà
perdu ma morale, ma conscience et mon éthique, pourquoi je ne devrais
pas m’abaisser à ce qu’il fait lui ? Je peux le tuer, je le sais et
certains même diraient que je le dois. Mais je ne vais pas le faire.
Je ne veux pas qu’il gagne. Je ne veux pas le laisser gagner en me
faisant tomber aussi bas. Il veut du sang ? Il va en avoir. Il veut la
Mort ? Il devra la trouver lui-même. Je vais lui faire bien pire, encore
une fois.
« T’es…pas si mauvais…pour un vieux… »
Il a mal, ça s’entend dans sa voix difficile, mais je m’en fiche. Son
visage est recouvert de plaies comme le mien mais il se relève quand
même et fonce vers moi. Je peux l’éviter facilement, je le sais et ça va
me permettre de préparer autre chose. Je n’ai qu’à me bouger un tout
petit peu : c’est moi qui contrôle tout, c’est lui qui est encore un peu
KO de ce que je lui ai fait subir. Même si ça n’a duré que deux
minutes, on est les êtres les plus rapides du monde maintenant que Barry
et Pietro sont morts : les coups ont été bien plus nombreux que l’œil
humain n’a pu les compter. Je vais tirer profit de tout ça et…non. Non,
ça n’est pas possible. Ça ne peut pas être…
« Ack ! »
Putain de merde, j’ai été con. J’ai été perturbé et voilà qu’Hyperion me
propulse vers le plafond. Il récupère aussi vite que moi et en perdant
quelques secondes, j’ai peut-être laissé le contrôle de la partie à ce
dingue. Je sens son épaule contre mes côtes et je sais que s’il le
pouvait, il les détruirait sur l’instant. Je ne vois pas sa tête mais
elle doit être recouverte d’un masque de rage, et j’en rirai bien si je
n’étais pas dans une telle situation. Je ne sais pas si j’ai vraiment vu
ce que j’ai cru voir en bas, mais je dois y réfléchir – et me dégager
pour faire ça. Je sens que le toit n’est plus très loin et le choc sera
si dur que je ne m’en relèverai pas facilement. Il faut que j’agisse
avant.
Je pose ma main sur l’oreille d’Hyperion qui est juste à côté de moi, et
avant qu’il ait pu user de son autre main pour me dégager, je la tords
autant que je peux. J’enfonce mes ongles dans la chair, je casse le
cartilage et je l’arrache dans un effort monstrueux. Un cri de rage sort
de ma poitrine alors qu’un hurlement de douleur s’échappe de la sienne,
et je n’en retire aucun plaisir. Hyperion m’a lâché et saigne comme
jamais sur son côté droit alors que mes doigts tiennent un bout de peau
ensanglanté ; c’est gore et glauque mais je n’ai pas eu le choix.
Lentement, je laisse tomber l’oreille et me tourne vers lui. Je sais
qu’il me hait encore plus maintenant et je le hais aussi. Tout est fini
maintenant : on a dépassé le point de non retour. Je l’ai mutilé mais il
m’a insulté : il n’y a plus de limite. Il n’y a plus que la rage.
Il fonce à nouveau sur moi mais sa colère l’empêche de penser : il use
de la même tactique qu’avant. Mais si ça a marché la première fois, ça
ne sera pas pareil la seconde ; sans souci, je l’évite et il va à
nouveau s’écraser au sol. Ca me permet de baisser les yeux et de voir ce
que j’avais aperçu avant : ça m’a tant troublé que j’ai laissé Hyperion
me reprendre. Et je sais maintenant que je ne m’étais pas trompé.
Alors que le dingue se relève difficilement, sûrement troublé par la
perte de son oreille et les soucis que ça doit entraîner sur son
équilibre, je me pose sur le sol et voit où il est tombé auparavant. La
salle principale du donjon n’est plus qu’une zone de guerre recouverte
de plusieurs cratères et je vois que Parallax m’a caché des choses. Sous
le sol se trouve apparemment ses petits trésors : je vois différents
corps d’anciens Green Lanterns, comme Guy Gardner ou d’autres, mais
surtout je vois…le Crystal M’Krann.
Ce que je recherche depuis des mois se trouvait tout simplement ici,
sous mes pieds. Je m’accroupis pour le toucher et je sens à nouveau son
pouvoir et son influence, à un point tel que je le lâche immédiatement.
Je ne dois pas me laisser avoir par cette horreur : je dois la mettre en
sécurité, et surtout éviter de repartir dans les délires temporels. Il
va falloir que je…
« Gaaah ! »
Encore une fois, Hyperion m’a pris par surprise en se jetant sur moi –
mais ça sera la dernière. Oh, ce n’est pas seulement parce que j’en ai
assez, que je veux régler ça une bonne fois pour toutes et m’expliquer
avec ce chacal de Parallax. Ce n’est pas non plus parce qu’on est tous
les deux fatigués et lassés de tout ça. Tout ça compte, bien sûr, mais
ça n’est pas la raison principale : celle-ci est plutôt l’énorme
batterie contre laquelle ce crétin vient de nous lancer !
Je sais qu’au moindre contact contre elle, des choses étranges peuvent
arriver et j’ai entendu de sales bruits sur ce que Parallax a fait de
ça. Jordan m’a toujours dit que c’était une des pires choses existants
sur la Terre et je sens qu’il a raison. Alors que nous filons vers la
batterie, je sens sa puissance, sa force pure et primale et je sais que
nous n’y survivrons pas. J’entends les cris de rage de cette ordure et
il n’a pas l’air de comprendre : il me promet les pires douleurs de
l’univers, il me menace de mort mais est-il si stupide pour ne pas voir
qu’on va y passer tous deux ?! Est-ce que la prison lui a grillé le peu
de cerveau qu’il avait avant ?
Putain…déjà que c’est pas drôle de mourir, si en plus je dois partir avec cet…
Et puis tout s’arrête, tout devient blanc. Je ne peux même plus suivre
le cours de mes pensées. On vient d’entrer dans la batterie mais je ne
sens rien. Je croyais que tout finirait dans une explosion d’émeraude
mais je ne vois rien – le néant. Mais ça n’est pas noir : c’est blanc,
uniquement blanc et je dois bien dire que c’est assez beau. Je ne vois
plus mon corps mais je m’en fiche. Ça doit être le moment avant la Mort,
les quelques instants où on revoit sa vie…mais rien n’arrive. Peut-être
que je dois tout imaginer tout seul, et je sais déjà par quoi
commencer.
On dit qu’on revoit tous les bons moments avant la Mort, et surtout eux
parce que c’est ce que l’esprit veut garder mais ça n’est pas mon cas.
Je meurs, je suis déjà mort même et tout ce que je me rappelle, c’est la
Guerre et ce que j’ai mal fait. Ça a été le plus grand rendez-vous de
l’Humanité, le moment où on a dû prendre les armes une bonne fois pour
toutes et je n’ai pas assuré. J’ai essayé mais j’ai échoué et si j’avais
encore des yeux, j’en pleurerai.
Je ne comprends rien à ce qu’il se passe mais je sens que je pars,
lentement. Le blanc est toujours aussi présent mais j’ai…je…je ne sais
pas, j’ai du mal à penser, à…à formuler les mots dans ma tête. Je suis
mort, j’ai arrêté ce combat et je devrais être heureux : c’est ce que je
voulais. Mais au moment du Bilan Final, de me demander si j’ai bien
vécu ou non, je sais déjà que…que ça n’est pas le cas. J’ai merdé avant
et pendant la Guerre et je donnerais tout pour changer ça – mais c’est
trop tard.
Aujourd’hui, le monde n’a pas seulement perdu deux surhumains : il a
perdu sa conscience, un furoncle sur sa face. J’étais le dernier à
vouloir me battre pour des valeurs et j’ai échoué parce que je m’y suis
pris trop tard. James Baxton va mourir aujourd’hui et il ne sera jamais
ce que…ce que Steelman aurait dû être. J’ai merdé, je sais déjà que je
vais vers le bas, où il fait chaud et je ne mérite rien d’autre.
J’aurais dû faire autrement mais ça n’a pas fonctionné.
Je l’ai cherché ; maintenant, à moi d’assumer. A moi de fermer le rideau
sur ce spectacle bien vide, bien pathétique et bien décevant que fut ma
Vie. Désolé d’avoir été si mauvais : je n’ai fait que mon mieux, mais
ça n’est jamais suffisant quand on a des dons comme les miens. J’avais
de grands pouvoirs : j’en ai oublié les responsabilités. Espérons que
d’autres apprendront la leçon, dans ce monde ou dans d’autres. Pour moi,
c’est trop tard.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire